Par : Me Louis Marquis*.
Quels sont les critères à partir desquels notre mémoire classe dans les événements heureux ce que nous vivons ici et là? Même si, honnêtement, je ne possède pas l’expertise scientifique pour résoudre cette question, j’ose tenter la réponse suivante : parce que les petits comme les grands moments d’une journée, d’une semaine, d’un mois, voire d’une année et plus, font instantanément ou progressivement partie de ce que M. Csikszentmihalyi appelle une expérience optimale[1]. En mes propres mots, cela désigne un état où le meilleur de soi est mobilisé dans la poursuite d’un objectif, tellement qu’on en est imperturbable et que, de la sorte, on se sent profondément bien. Voilà comment j’ai vécu la journée du 22 mars 2012 consacrée à l’accueil d’une mission de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA).
Organisée par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ), en collaboration avec le Club OHADA Canada, cette journée a permis la tenue de trois séances de travail entre l’OHADA et des représentants du Gouvernement du Canada, du Gouvernement du Québec et du milieu des affaires. Différents observateurs ont également participé à ces séances. D’innombrables renseignements ont alors été échangés, des informations fort utiles ont été transmises, des collaborations futures ont été envisagées, bref, tous sont partis à la découverte du droit des affaires, de la médiation et de l’arbitrage tels qu’ils existent au sein de l’espace OHADA. Au terme de la journée, l’éventail des possibles sur ce qu’il y a à faire pour mieux connaître ces domaines, les enrichir et assurer leur développement était déployé au maximum. Afin d’en faire la synthèse aux personnes présentes lors du cocktail tout en agrémentant cette activité, j’ai choisi de discourir à deux moments distincts. Voici mon propos fidèlement rapporté.
Le premier moment : l’allocution d’ouverture et la synthèse
Bonsoir. Mon nom est Louis Marquis. J’aurai le plaisir et l’honneur d’animer ce cocktail en souhaitant d’emblée une bienvenue chaleureuse à :
- Monsieur le Secrétaire Permanent de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA), le professeur Dorothé C. Sossa,
- Monsieur le Directeur Général de l’École Régionale Supérieure de la Magistrature de l’OHADA (ERSUMA), le Docteur Félix Onana Etoundi,
- Monsieur le Président de l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ), Maître Thierry Bériault,
- Monsieur le Président du Club OHADA Canada, Monsieur Karel Dogué,
- aux distingués invités ainsi qu’à vous toutes et tous, collaborateurs et amis.
Le cocktail vient clore une journée très riche en émotions et, je le mentionne parce que c’était là un objectif essentiel de la mission OHADA que nous accueillons, une journée très riche sur ce qui a été appris, discuté et convenu entre les participants.
Un événement comme celui du cocktail que j’ouvre à l’instant est précieux. En effet, c’est là qu’on pose la question qu’on n’a pas eu le temps de poser plus tôt, qu’on serre la main de l’autre une première ou une deuxième fois… En d’autres mots, c’est là que le ciment relationnel est coulé et qu’il peut déjà commencer à se solidifier.
Bref, il y a plusieurs bonnes raisons pour que l’animateur que je suis ne soit pas trop à l’avant de la scène. C’est pourquoi je vais vous laisser occuper l’avant-scène, c’est-à-dire vous laisser profiter du moment présent, me réservant le privilège d’intervenir à deux moments distincts :
- la première fois, dans le prolongement de cette adresse, pour vous présenter en rafale ce que je retiens de la journée ;
- la seconde fois, afin d’inviter à l’avant des personnalités marquantes, soit des gens dont le regard est pointé bien loin devant, et qui possèdent le talent et l’énergie de nous faire admirer ce qu’il y a, justement, à l’horizon. Je compléterai leurs allocutions procédant à des remerciements bien sentis et en profiterai pour vous parler plus librement de l’Afrique et de l’OHADA, en vous les faisant connaître à ma manière.
Que retenir, donc, de cette journée ?
Je crois qu’il s’en dégage quatre lignes de force.
La première, c’est que les séances de travail ont permis de faire place à la connaissance. L’OHADA offre un cadre juridique uniforme pour les affaires, déjà implanté dans plusieurs pays d’Afrique, et celui-ci est jugé comme étant de très grande qualité. Cependant, il demeure passablement méconnu à l’extérieur de ses frontières géographiques. Il faut donc, tout simplement, déployer des efforts afin d’en augmenter la diffusion. De même, le savoir OHADA doit poursuivre son évolution ; il ne peut se contenter d’être statique. Cela signifie que les activités de production, de formation et de recherche ainsi que d’application des normes OHADA sont cruciales et méritent un support constant. Tout cela mis ensemble continuera de nourrir un leitmotiv déjà bien vivant, lequel ne fera qu’accroître le sentiment de faveur présentement ressenti envers l’Afrique et son dynamisme en affaires.
La deuxième ligne de force, c’est que les séances de travail ont réussi à faire place à la reconnaissance. L’OHADA, en dépit de son jeune âge, peut être racontée telle une histoire à succès. Certes, il reste beaucoup à accomplir, ne serait-ce que pour élargir ses cadres. Mais la crédibilité nécessaire pour accomplir les plus grandes réalisations est là. À cet égard, la notoriété future dépendra, à l’instar de ce qui prévaut pour les organisations de ce genre, de multiples facteurs. Entre tous, l’un apparaît crucial, et c’est celui de la communication. L’OHADA a besoin de ce vecteur sur tous les plans. Bien utilisée, la communication sera le moyen à partir duquel l’organisation suscitera l’adhésion par rapport à sa mission, fonctionnera de façon collégiale et verra ses actions bénéficier d’une légitimité pleine et entière aux yeux de ceux à qui elles sont destinées.
Place à la connaissance et place à la reconnaissance ont été unies par un fil conducteur, aujourd’hui. En fait, il est clairement ressorti des échanges qu’il faut unir les forces de façon intelligente, et c’est là la troisième ligne de force : agissons en concertation réfléchie. Ici, la liste des choses à faire s’allonge rapidement. En voici quelques exemples :
- faire adhérer le Burundi à l’OHADA, ce qui s’avère une tâche ardue ;
- partager les expertises présentes à travers le monde afin que l’OHADA puisse disposer d’une offre de formations haut de gamme ;
- créer des alliances institutionnelles, comme avec le nouvel Institut pour la médiation dans l’espace francophone ;
- utiliser les nouvelles technologies de l’information afin de maximiser l’efficacité d’un réseautage encore à peaufiner ;
- participer largement à des missions, l’une de celles-ci étant projetée pour l’automne 2012 par le Consul du Togo au Canada ;
- intensifier les influences québécoise et canadienne relativement aux sujets OHADA pertinents.
Et, tout au long du mûrissement de cette concertation, ne jamais oublier que le succès de l’OHADA dépend du concours, dans toutes les initiatives entreprises, de partenaires africains présents sur le continent.
Finalement, nous pouvons dire que les retombées des séances de travail reposent sur un socle, quelque chose de solide, une conviction qu’en travaillant au développement de l’OHADA, nous sommes en route vers le progrès. Voilà la quatrième ligne de force. L’OHADA est une organisation qui se distingue de par son envergure, au sens noble du terme. Elle est guidée, philosophiquement et pragmatiquement, par l’optimisme. Aussi, inspirée par son caractère progressiste, elle n’hésite pas à s’intéresser à des questions sensibles comme la responsabilité sociétale des entreprises et les droits de la personne, ce qui est tout à son honneur.
En somme, il y a donc place à la connaissance, à la reconnaissance, en concertation réfléchie, pour le progrès. C’est là une somme d’attributs fantastique, d’autant plus qu’elle peut compter, pour être au sommet, sur l’appui inestimable des personnalités marquantes que j’ai évoquées il y a quelques instants et que je vous présenterai lors de ma prochaine intervention. À tout de suite !
Le deuxième moment : les personnalités marquantes, les remerciements et … ma vision de l’Afrique et de l’OHADA
J’ai promis de vous présenter des personnalités marquantes, c’est-à-dire des personnes qui invitent au dépassement, mobilisent leurs pairs, tracent la voie, et réussissent à faire tout cela en maniant humilité et droiture. La première personnalité qui incarne à merveille ces traits reconnaissables du leader, c’est celle du Secrétaire Permanent de l’OHADA, le professeur Dorothé C. Sossa, que j’invite maintenant à vous adresser la parole.
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Dépassement, mobilisation et vision sont également des marques de commerce du président de l’IMAQ, Maître Thierry Bériault, que j’invite à vous dire quelques mots.
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Jamais deux sans trois, pourrait-on dire ! Nous sommes choyés ce soir, car monsieur Karel Dogué est aussi une personnalité marquante, en ascension celle-là. Monsieur Dogué, la parole est à vous.
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Organiser une telle mission requiert bien des choses, dont l’esprit d’équipe ainsi que les moyens logistiques et financiers.
Sur l’esprit d’équipe, je tiens à adresser des félicitations chaleureuses à deux personnes de qui jaillissent jeunesse et intelligence. Ces deux personnes sont Maître Julie Boncompain et monsieur Karel Dogué !
Les moyens logistiques et financiers ont véritablement été empreints de générosité. Et c’est avec une profonde reconnaissance que je remercie les commanditaires et les partenaires suivants :
- Fraser, Milner, Casgrain, SENCRL ;
- l’IMAQ ;
- l’Université de Sherbrooke ;
- Éducadroits international ;
- le Club OHADA Canada ;
- l’OHADA ;
- et le Service d’aide à l’exportation du Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec.
En guise de conclusion, maintenant, j’aimerais vous parler de l’Afrique… dans tous les sens.
Dans le sens des odeurs de l’Afrique, qu’elles soient issues de Bamako ou d’ailleurs, odeurs qui permettent de sentir les occasions de nouer des liens avec ce continent si loin et si près à la fois.
Dans le sens des bruits de l’Afrique, qu’ils retentissent à Dakar ou ailleurs, bruits qui permettent de se rendre compte qu’il se passe quelque chose, là-bas.
Dans le sens de toucher l’Afrique, en foulant son sol à Cotonou ou ailleurs, posant ainsi des pas qui permettent d’entrer dans un univers unique en son genre.
Dans le sens des saveurs de l’Afrique, qu’elles soient captées à Yaoundé ou ailleurs, des saveurs qui permettent de comprendre qu’il y a là des partenaires raffinés, élégants et prometteurs.
Et dans le sens des perspectives de l’Afrique, qu’elles soient visibles à Ouagadougou ou ailleurs, des perspectives qui permettent de regarder au loin et d’imprégner les rapports à venir avec l’Afrique d’une durabilité à l’épreuve du temps.
C’est tout cela, l’Afrique, et c’est ainsi que l’on peut parler de l’Afrique dans tous les sens. Mais il y a un plus, que je vous laisse en guise d’au revoir. Ce plus, ce sixième sens en fait, c’est celui de la sécurité et de l’élan procurés par l’OHADA. Mille mercis à vous, Professeur Sossa et Docteur Etoundi, d’avoir partagé avec nous ce sixième sens.
Longue vie à l’OHADA, et bonne fin de soirée à tous !
Conclusion
Le lecteur de ce billet aura compris que l’Afrique me passionne. Depuis 2000, j’y suis allé à maintes reprises, seul comme en équipe, afin de travailler au développement de la prévention et du règlement des différends et du droit des affaires. Bien sûr, l’expertise que j’ai retirée de toutes les missions auxquelles j’ai participé est inestimable. Mais le fruit de ce que j’ai appris sur le plan humain l’est tout autant. En faisant l’alliage de l’ensemble de ce que l’Afrique m’a apporté depuis les dernières années, je suis plus que jamais convaincu de la vérité au cœur de l’axiome de Prigogine suivant lequel le possible est plus riche que le réel, lequel invite puissamment à aller vers l’inconnu, là où se trouve toujours quelque chose de mieux[2]. Voilà pourquoi j’ai placé ce possible au centre du titre de ce billet, sorte de condensé d’une nouvelle petite trame à l’intérieur d’une expérience optimale africaine que je veux sans fin.
* Version remaniée du discours de clôture de la journée que j’ai prononcé lors du cocktail.
[1] M. Csikszentmihalyi, Vivre. La psychologie du bonheur (Paris : Robert Laffont, 2004).
[2] I. Prigogine, La fin des certitudes (Paris : Odile Jacob, 1996) à la p. 230.